Interview / Erwan Le Roux : "Ça va être très serré, le niveau est élevé en Ocean Fifty"

Erwan Le roux © Jean-Marie Liot

Erwan Le Roux a navigué en Multi50 de 2010 à 2018, s'offrant de nombreuses victoires. Après plusieurs expériences en Ultime et IMOCA ces deux dernières années, il revient sur le circuit des Ocean Fifty à la barre de Koesio, dernier-né de la classe. Après 3 victoires sur la Jacques Vabre, tentera-t-il de relever le défi ?

Tu fais ton retour sur le circuit Ocean Fifty, qu'est-ce qui t'a motivé à revenir ?

La motivation est toute simple. On a passé un peu de temps avec tous les coureurs de la classe et leurs partenaires pendant le Covid pour créer le Pro Sailing tour. Ce circuit dont on a rêvé, dont j'ai rêvé depuis des années avec Franck-Yves Escoffier.

Participer à la construction de ce circuit et ne pas en faire partie a provoqué chez moi une légère frustration qu'il a fallu combler. Une suite d'opportunités a fait que je me retrouve là aujourd'hui. J'ai commencé en multicoque sur des ORMA. C'est un circuit en itinérance, une régate au contact. La course au large c'est un mélange d'exercices techniques autour des bateaux.

Tu as déjà remporté la Jacques Vabre à 3 reprises. Dans quel état d'esprit es-tu et quel est ton objectif ? Une 4e victoire ?

100 % des vainqueurs sont déjà arrivés de l'autre côté ! On arrive avec un nouveau partenaire, un bateau qui est assez jeune même si on a fait pas mal de milles notamment sur ce Pro Sailing Tour 2021. Ça reste un bateau neuf qui n'a jamais vu un front. Il faut l'utiliser avec parcimonie, apprendre à s'en servir, à le fiabiliser, et faire attention à ne pas faire d'erreur.

Peux-tu nous parler de ton bateau, Koesio, l'ex Planet Warriors de Fabrice Cahierc, et qui est le dernier Ocean Fifty mis à l'eau ? Quel bilan tires-tu de tes premières navigations et compétitions ?

C'est un bateau que l'on a loué jusqu'à la fin de l'année avec une option d'achat. C'est le dernier-né de la flotte. Ses bras en K sont sa particularité. Il est novateur dans la forme de structure des Ocean Fifty. Il a des bras très plats, avec très peu de crosse, la partie qui fait la jonction des flotteurs. Ça a vraiment des formes d'araignées. Il va aussi plus loin dans l'aérodynamisme. La structure du bateau est située entre les deux bras avant et arrière. Elle fait à peine 2 m. C'est ce qui fait la différence avec les autres bateaux. C'est un gain de masse non négligeable et ça permet d'avoir un cockpit à la fois dégagé ou complètement abrité avec une casquette. On règle quasiment au sec !

La performance de l'équipage est bien plus importante à l'abri que dehors, mouillé tout le temps. Je l'ai vécu pendant la dernière Route du Rhum ou les dernières Jacques Vabre à bord de mon ancien bateau. On était sous le jet d'eau en permanence ! Physiquement c'est très engageant, très énergivore. Naviguer protégé, libère de l'énergie au profit des réglages et de la performance.

On peut se reposer, manger… C'est un gros plus en termes de vie à bord.

On voit qu'il n'y a pas un gros écart au niveau des bateaux de la flotte. La box rule est contraignante sur des points sensibles, ce qui en fait une flotte très homogène. N'importe quel bateau, même âgé de 10 ans peut gagner la Jacques Vabre. Arkema 4 peut gagner, comme Leyton et comme les P'tits Doudous. C'est aussi ce qui est bien. Les binômes qui seront à bord feront la différence.

L'Ocean Fifty Koesio
L'Ocean Fifty Koesio

Depuis le Pro Sailing Tour, as-tu effectué un chantier ?

On a démâté pour pouvoir essayer le Liberty kite d'Yves Parlier et comprendre comment pouvait marcher le bateau sans mât, avec un kite. Ça nous a confortés dans le fait d'en prendre un. En cas de démâtage, on pourra peut-être rentrer par nous-mêmes grâce à ce système.

On a aussi refait toute la peinture en 4 semaines. C'est un gros challenge. Ça nous a aussi permis de faire un petit chantier pour optimiser la casquette. On navigue encore plus au sec que sur le Pro Sailing Tour.

Pourquoi avoir choisi Xavier Macaire pour t'accompagner sur cette Jacques Vabre ?

C'est un choix de complémentarité. Je connaissais Xavier par son palmarès. Nous avions eu l'occasion de naviguer ensemble en Multi50 sur Ciela Village sur la Drheam Cum.

C'est un mec en or. Il est super sympa. On parle le même vocabulaire. Ça a tout de suite été simple. Aujourd'hui, le niveau dans la classe est très élevé. L'apport de Xavier, de ses connaissances de la course au contact, du développement d'une stratégie en autonomie nous aide beaucoup. C'est quelque chose que l'on n'a pas forcément en multicoque puisque nous avons un routeur.

On se rend compte qu'il a beaucoup navigué sur le bateau. Il apporte la rigueur et la créativité pour aller à la recherche du petit plus de vitesse. Pour aller plus vite que les autres. C'est avec une ambiance collégiale que sont prises les décisions.

Erwan Le Roux sur Koesio
Erwan Le Roux sur Koesio

Quels sont les contraintes et avantages d'un format de course en double en comparaison du solitaire ou de l'équipage justement ?

Il n'y a aucun inconvénient. Le format double est top. C'est du faux solo mais les moments difficiles, importants, exceptionnels, on les partage à deux. C'est toujours mieux que tout seul. Ça permet aussi de partager plus de choses que sur des courses en solitaire, et vers l'extérieur.

Même avec une certaine expérience en multi, arriver l'année d'une course en solitaire et se présenter à un départ, ce n'est quand même pas rien. Avant la Route du Rhum l'année prochaine, on aura fait de l'équipage, un peu de double, qui continuera l'année prochaine. Ça permet d'élaguer les difficultés, de comprendre comment ça fonctionne. Ensuite, on passera sur de l'équipage réduit, avant d'arriver vers une solution en solitaire. Je suis plus rassuré de partir en double. C'est compliqué de partir en solitaire sur un bateau que l'on ne connait pas.

Que penses-tu des nouveaux parcours de course ? Qu'est-ce que ça va changer ?

C'est bien. Ça permet d'avoir une cohérence à l'arrivée. Ça facilite aussi le travail de la presse. L'arrivée des 4 classes est à peu près prévue dans la même semaine. Il y en aura pour tout le monde. On va pouvoir communiquer sur les 4 vainqueurs de classe et organiser une remise des prix avec tout le monde. C'est bien pour la lisibilité du grand public. Le parcours est intelligemment fait.

Aujourd'hui, dans le sport mécanique, le Paris Dakar par exemple, les parcours sont différents. Les voitures les plus rapides ont un plus grand parcours, et inversement.

La Jacques Vabre sans le passage du pot au noir ce n'est pas la Jacques Vabre. C'est sympa d'aller le passer. Finalement ça reste une forme de Jacques Vabre, avec un parcours un peu nouveau. On va longer les côtes de l'Amérique du Sud après Fernando. C'est sympa. C'est une nouvelle mer et c'est bien d'explorer ce terrain de jeu, de mettre du piment dans la course. On aura potentiellement un 2e pot au noir à passer. Ça pourra créer des écarts et resserrer le match.

L'Ocean Fifty Koesio
L'Ocean Fifty Koesio

Comment te sens-tu face à la concurrence, aussi bien en termes personnels qu'en termes matériels (bateau) ?

Ça va être très serré évidemment. Quand tu regardes tous les binômes, c'est hyper homogène. Il y a énormément de niveau. La classe n'a jamais navigué avec autant de binômes à ce niveau-là. C'est génial. Tous les skippers sont contents, je crois, et nous aussi, de batailler avec ce niveau-là.

Même si aujourd'hui, il y a un favori qui se dégage et qui a tout gagné : Leyton avec Sam Goodchild et Aymeric Chappellier. Ça redistribue les cartes. Ça remet tout le monde au même niveau, sur la même ligne de départ. Tous les bateaux peuvent gagner. Et nous, tant qu'on termine devant le 2e c'est parfait ! C'est un objectif élevé !

Après la Transat Jacques Vabre, quels sont tes projets ?

On veut continuer à naviguer sur ce bateau et pouvoir aller jusqu'à la Route du Rhum. Maintenant rien n'est encore complètement acté. On va profiter du Havre pour y réfléchir avec tous les acteurs du projet qui seront présents. On verra ce qu'il se passera après. Mais l'objectif, c'est le Rhum sur ce bateau avec Koesio.

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