Guiclemanac'h, naviguez dans un fauteuil !


Le confort douillet d'une timonerie intérieure et les grands roufs vitrés nous font rêver quand on navigue l'hiver - et même la nuit pendant la belle saison. Jusqu'à présent, ce privilège était réservé aux unités de plus de 30 pieds, et encore… voici un étonnant voilier qui démontre que 4,50 m de coque suffisent à prétendre au grand confort !

Au départ du projet, Laurent Petit, qui comme son patronyme ne l'indique pas du tout, toise un bon 1,90 m. Notre homme, la cinquantaine bien entamée, paraît gaillard et costaud quand il nous présente son Guiclemanac'h – on vous épargne la signification de ce nom bizarre à consonance bretonne, sachez juste qu'il s'agit d'un assemblage de début de prénoms. Sa canne qu'il vient de poser contre l'étrave trahit toutefois sa pathologie : une maladie neurologique dégénérative qui diminue ses capacités physiques. Concrètement, Laurent ne peut plus faire de voile seul sur un voilier "normal" puisqu'il n'a plus la possibilité se marcher sur un pont, surtout s'il est gîté.

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

Un voilier adapté à son handicap

Dur pour un gars qui n'arrête pas de naviguer depuis plus de 10 ans… Cet ancien géologue et prof de physique a fait sa formation aux Glénans, a passé ses permis côtier et hauturier, son Capitaine 200 avant d'être salarié comme chef de bord. Jusqu'en 2013, il a pu enchaîner des belles navigations : Granville/Cadix, Tunisie/Malte… Puis le handicap venant, Laurent a tenté de dénicher un voilier adapté. Une réflexion qui est une problématique concernant de nombreux voileux, souvent âgés, ou accompagnant une personne diminuée physiquement.

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

Rien qui ne corresponde dans la production courante

Dans sa recherche, le skipper s'intéresse au Souriceau d'Eric Henseval avant d'essayer son grand frère plus habitable, l'Aviateur. Verdict : "trop physique ! Et en plus je suis grand…". Laurent raffole du Miniji, mais il est bien sûr impossible à bord de ce minuscule quillard de poche de vivre à bord. Bref, notre homme recherche un peu le mouton à cinq pattes. "Voire six !", surenchérit-il.

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

Un bateau sur mesure

Progressivement, Laurent dessine des esquisses. L'idée de concevoir son voilier fait son chemin. Sur le Net, découverte du site Boat and Koad qui va lui dessiner son projet. Restait à trouver un constructeur lui-même assez barré pour finaliser toutes les contraintes. C'est Alexandre Badri, basé sur le Bassin d'Arcachon, qui a répondu présent. Avec des idées ingénieuses pour s'adapter à cette demande particulière : La barre franche qui passe sous le cockpit démontable pour gagner de la place à l'intérieur qui commande les deux safrans via des drosses. Le système de mouillage manipulable de l'intérieur grâce à un tube ou encore la boîte à manœuvres avec pouliage encastrées – avec tube relié au puits de dérive pour évacuer l'eau sont autant d'idées "maison".

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

Des idées pour s'adapter à la navigation

Le bateau fourmille d'astuces pour limiter les efforts : trop physique de démarrer un hors-bord thermique ? Place au moteur électrique avec commandes à distance, un solide parc batteries – 2 x 165 ampères - qui vient épauler le lest plomb dans les fonds. Le bloc-cuisine est transformable en table à cartes, le tout assez costaud pour supporter les appuis de Laurent. Un panneau solaire pour alimenter le tout… "Je compte pouvoir tenir une semaine à bord en totale autonomie", explique Laurent.

Guiclemanac'h
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La problématique des manœuvres de port

Si le court cockpit a été prévu pour faciliter l'embarquement depuis l'arrière, "il reste un seul problème à régler, c'est la gestion des amarres", relève le skipper. Et c'est bien la seule raison qui justifie que Laurent ne navigue pas encore seul. Fort de ses dix sorties malgré un hiver particulièrement hostile sur le Bassin d'Arcachon, il prend ses marques : à lui la gestion des drisses et des réglages, à son équipier la barre – ou plutôt une des deux petites barres extérieures.

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

Une navigation confortable et performante

Bien toilé - grand-voile de 12,5 m2, trinquette de 4 m2 et yankee de 5,80 m2 -, Guiclemanac'h démarre dès les premières risées et se cale rapidement à sa vitesse de carène, soit 5 nœuds. Le cap est bon puisque l'angle de remontée est de 90° d'un bord à l'autre.

Lors de notre essai fin février, un vent de 15 nœuds glacial balaye le plan d'eau désert. Laurent prend deux ris, nous le convainquons d'en relarguer un… Un brin gîtard – normal pour une coque si petite –, Guiclemanac'h réclame en effet une réduction de voilure dès 12 nœuds de vent, d'autant que le rappel n'est pas au programme. La faible longueur se traduit par un effet bouchon dans le clapot court, sans vraiment ralentir le bateau, qui se relance très vite.

Guiclemanac'h
Guiclemanac'h

La navigation protégée

Le confort, lui, est bien au rendez-vous. Laurent est toujours parfaitement calé à l'intérieur et… au chaud ! Et il a la possibilité, grâce au grand panneau de descente, de se mettre debout, histoire de prendre l'air. Un plaisir dont il pourra profiter en solo puisque le pilote automatique est connecté à la barre intérieure. Au port, Laurent dort volontiers à bord avec son petit chauffage d'appoint. Le programme de Guiclemanac'h sera le cabotage en double ou en solitaire, principalement en Bretagne Sud.

Guiclemanac'h est une parfaite illustration du savoir-faire des petits chantiers : imaginer un voilier sur mesure accessible et le faire construire, c'est possible !

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Guiclemanac’h La fiche technique
5.30 mLongueur hors-tout
2.12 mLargeur - Bau
0.20 mTirant d'eau mini
Voir la fiche technique du Guiclemanac’h
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