Les Class America : des lames de carbone pour des duels d'anthologie

De 1992 à 2007, la coupe de l'America s'est disputée selon la jauge des « Class America ». Racées et techniques, ces formidables machines ont permis à la Coupe de nous offrir d'incroyables régates durant cinq éditions.

Une nouvelle jauge pour remplacer les 12mJI

Afin de ne pas voir se reproduire le fiasco de l'édition 1988, où la coupe a vu s'affronter un catamaran de 18 m face à un monocoque de près de 40 m, l'IACC a décidé de rédiger une nouvelle règle de jauge. Destinée à remplacer les 12mJI en place depuis 1958, la jauge ACC (America's Cup Class) est instaurée pour l'édition 1992.

Le rapport de lest est ahurissant puisqu'un Class America, qui mesure autour de 25 m, déplace environ 25 tonnes, pour un lest de 20 tonnes ! L'ensemble est propulsé par un mât d'environ 35 m, qui permet d'envoyer 350 m2 au près et 750 m² au portant. L'équipage est composé de 17 marins.

Les français seront les premiers à mettre à l'eau un Class America en 1989 à Sète, qui sera baptisé F1 et skippé par Marc Pajot.

Cinq éditions courues en Class America

Les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Suisse vont truster les victoires durant les cinq éditions courues en ACC. La France atteindra les demi-finales à deux reprises avec Marc Pajot en 1992 et Bertrand Pacé en 2000.

Ville de Paris en 1992
Ville de Paris en 1992

Au fil des éditions, les carènes des Class Amercia se sont affinées, passant de 5,50 m à 4,50 m au maître bau. Les jeux de voiles ont gagné en aérodynamisme et l'omniprésence du carbone a permis de gagner du poids sur les coques.

Cette course à la légèreté a atteint ses limites en 1995, lorsque le bateau du syndicat australien, One Australia, a coulé en pleine régate. Régatant dans 20 nœuds de vent, One Australia s'est plié en deux sur un bord de près.

Le syndicat Australien en mauvaise posture
Le syndicat australien en mauvaise posture

L'équipage a juste eu le temps de sauter à l'eau avant d'observer incrédules leur Class America sombrer par 200 m de fond en moins de deux minutes. En 2000, le Young America s'est également plié en deux en pleine régate, mais l'équipage put ramener les restes de la coque à bon port.

L'émergence des Kiwis

La jauge ACC a permis à Team New Zealand d'exprimer pleinement ses talents, en remportant pour la première fois la Coupe en 1995, avec Peter Blake à la tactique et Russell Coutts à la barre.

En cinq participations, Team New Zealand a remporté à trois reprises la Coupe, démontrant tout le potentiel de ce petit pays des antipodes, où la voile est aussi importante que le rugby.

La quintessence du Match Racing

© Gilles Martin Raget
© Gilles Martin Raget

Comme à son habitude, la Coupe a rassemblé les meilleurs talents du moment aux meilleurs postes. Les cellules arrières étaient occupés par tous les champions de Match Racing, et cette nouvelle jauge, plus véloce que les 12mJI, permettaient aux barreurs d'assurer le spectacle lors des phases de départ.

Le plus important n'était pas de partir le plus vite, mais de contrôler son adversaire. L'ACC était le support rêvé pour des circlings d'anthologie.

Le tout dans une ambiance franchement masculine. Contrairement au circuit mondial de Match Racing, les femmes sont peu représentées sur la Coupe. Hormis le syndicat Amercia 3 en 1995, aucun autre équipage féminin ne s'est présenté dans la course à l'aiguillère.

2007 : la fin des class America

© Gilles Martin Raget
© Gilles Martin Raget

Jusqu'à sa dernière régate, la jauge ACC aura été le théâtre de passes d'armes incroyables et mettant en avant un niveau en match race qui n'a plus été revu depuis. Pour la dernière régate courue sur des Class America, Alinghi gagne la Coupe en passant la ligne une seconde devant son adversaire Team New Zealand et clôture avec panache ainsi une histoire qui aura duré quinze ans.

© Gilles Martin Raget
© Gilles Martin Raget

Les multicoques vont ensuite s'imposer sur la Coupe durant trois éditions, avant l'apparition des monocoques à foils en 2020.

Que sont devenus les Class America ?

Sur une centaine de bateaux construits, seule une poignée navigue encore. La construction high tech d'un Class Amercia et leur coût prohibitif d'entretien rendent utopiques toutes les velléités de les maintenir en état de naviguer.

En France, seule la coque de Team New Zeland 57 est exposée sur le parvis de la cité de la voile à Lorient. D'autres coques vivent leurs vieux jours dans des musées, tel que Black Magic.

Ou comme œuvre d'art horticole, comme Young America.

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...