Maewan, une expédition à la voile mixant sport outdoor et environnement

Erwan Le Lann est guide haute montagne, activité qu'il a exercé en parallèle de missions évènementielles dans l'escalade pendant 10 ans. Marion Courtois a travaillé pendant 15 ans dans l'humanitaire notamment en Amérique Centrale, Soudan, Syrie ou encore Afghanistan. Adeptes de voyages et désireux d'apporter leur pièce à l'édifice dans la sauvegarde de la planète, ils sont à la tête de l'association Maewan.

Découvrir de nouveaux sites de pratique sportives outdoor

En 2015, Erwan Le Lann, breton d'origine et passionné de haute montagne se lance dans un voyage avec l'objectif de découvrir de nouveaux sites de pratiques sportives outdoor à travers le monde. S'il a déjà beaucoup voyagé pour l'alpinisme et l'escalade, il souhaite désormais découvrir les océans.

"Je ne suis pas un marin, même si j'ai déjà fait quelques sessions de voile plus jeune. Ayant déjà beaucoup voyagé à terre, je voulais partir dans l'idée d'un voyage lent, pour arriver à appréhender les différents climats et mieux comprendre les gens que j'allais rencontrer. Avant, je prenais beaucoup l'avion et j'étais parachuté dans des climats différents, sans comprendre les saisonnalités, les particularités du lieu. J'avais du mal à m'acclimater localement. Je voulais donc me déplacement lentement pour mieux appréhender ces problématiques" explique Erwan.

Pour son expédition, il achète en 2014 un Trisalu 37, un dériveur lesté en aluminium. L'idée est d'en faire une base d'expédition sur lesquels il embarquera des sportifs (NDLR : son métier lui a permis de se faire un important réseau de sportifs) tout au long de son voyage, leur permettant de pratiquer leur activité dans des lieux incongrus : alpinisme, escalade, parapente, ski, base-jump, highline, surf, apnée, surf, marche et mer.

Le voilier Maewan
Le voilier Maewan

Si dès le départ il souhaite intégrer une cause scientifique ou environnementale à son projet, il souhaite d'abord découvrir le voyage en bateau, l'apprentissage de la navigation. L'idée est de découvrir le Grand Nord, avec le passage du Nord-Ouest, d'arriver dans le Pacifique (Polynésie), de passer le cap Horn, de naviguer dans le Grand Sud et de rejoindre la France sans passer par des canaux creusés de la main de l'homme, comme Panama.

L'équipage de 5 quitte l'Aber Wrac'h le 8 février 2015.

"L'idée était d'avoir un équipage avec des compétences différentes, pour pouvoir mener une expédition de 1 à 2 mois. À chaque expédition, les équipiers changent. Sur cette première, direction l'Islande pour faire de l'escalade sur glace en Islande, j'étais accompagné de Jeanne Grégoire, qui a beaucoup navigué en Figaro, d'un journaliste photographe et de deux alpinistes. Jeanne m'a appris à naviguer. C'était le plein hiver en atlantique nord, on s'est pris tempête sur tempête ! On a aussi navigué sous les aurores boréales avec des nuits de 17 h ! C'était magique" détaille Erwan.

Navigation dans le grand nord
Navigation dans le grand nord

Prise de conscience d'un besoin environnemental

Après un mois de navigation et un passage par l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande et les îles Féroé, l'équipage a continué de gagner le nord. Avec un nouvel équipage – notamment Éric Loizeau, navigateur et alpiniste – Erwan a fait cap au sud du Groenland fin mars, perfectionnant son apprentissage. Au bout de deux ans, entrecoupés de retour en France pour garder un pied dans la vie "réelle" et ne pas se marginaliser, Erwan prend conscience qu'il peut apporter un autre aspect à son voyage.

Expédition à terre
Expédition à terre

"Après avoir navigué le long du Groenland, avoir traversé le passage du Nord-Ouest et rejoint le Pacifique, je me suis rendu compte de la richesse de ce voyage. Je découvrais des climats, des populations, des savoir-faire ; prenait conscience de la pollution. J'ai acquis une nouvelle connaissance de la planète. J'avais la chance d'arriver à voyager, mais je trouvais ça futile de le garder pour moi. J'avais envie de partager mes découvertes. Marion finissait ses missions à l'étranger et nous a rejoints pour établir un diagnostic de ce qu'il était possible, au vu de son expérience dans l'humanitaire. Ce voyage sportif me permettait de découvrir la planète, des endroits où je n'aurai jamais pensé aller et de rencontrer des gens et des cultures inconnues. Mais comment capitaliser cet apprentissage et comment s'en servir ? L'environnement est énormément impacté par l'activité humaine, même dans les endroits reculés. Mais la facette environnement sans l'éducation ça ne sert à rien" explique Erwan.

C'est ainsi que Marion et Erwan crée l'association Maewan, pour travailler sur et pour l'environnement, à travers l'éducation et l'accompagnement des jeunes, en partageant des connaissances apprises par d'autres. L'association fait également de la sensibilisation pour le grand public à travers des films, des articles et les réseaux sociaux. Tout en continuant cette découverte par le biais du sport.

Marion Courtois et Erwan Le Lann
Marion Courtois et Erwan Le Lann

Découvrir des habitudes de vie différentes au long du voyage

"Quand on a fait le passage du Nord-Ouest, on ne voyait des villages que très rarement. Le bateau est comme une mini-île, le seul sur lequel on puisse compter et utiliser nos ressources. On fait attention à notre manière d'y vivre, notre consommation. Cette vie à bord, on la retrouve sur une île, à l'échelle d'un pays, à l'échelle de la terre, qui elle-même est isolée de l'univers. Si on n'en prend pas soin, nous n'aurons plus les ressources nécessaires pour vivre. On essaye de faire prendre conscience de la valeur de nos ressources naturelles.

Partout les habitudes de vie et d'utilisation et de l'environnement sont différentes. On essaye de propager l'apprentissage que nous transmettent les différents peuples. Par exemple, à Rapa Iti, l'île la plus australe de Polynésie française, le chef de la communauté garde des vallées disponibles pour accueillir les réfugiés climatiques dus à la montée des eaux. Sur d'autres îles de Polynésie, la civilisation a tellement grandi et s'est modernisée à tel point d'avoir consommé toutes les ressources. Sur l'île de Pâques, ils ont coupé l'ensemble des arbres, sans pouvoir construire de bateaux et ce sont retrouvés trop nombreux sans rien à manger. Les ressources naturelles ont été une cause d'extinction de la population. Mais il n'y a pas une communauté qui ne se préoccupe pas de l'environnement, à part les cités modernes" explique Erwan.

Macatea
Macatea

Outre la surconsommation des ressources, Maewan sensibilise également à la population, notamment après avoir traversé les deux continents de plastiques flottants.

"C'est extrêmement choquant d'être à plus de 2 500 km des côtes et d'être au milieu d'une décharge publique. Ducie Island est à 5 000 km de la première côte du Pérou. Jamais aucun humain n'a vécu là-bas et peu de bateaux y passent. On a pu débarquer sur l'île. C'est un paradis de poissons, d'oiseaux et de coraux. Et pourtant, l'île est entièrement recouverte de déchets en tout genre : jouets, chaussure, briquets, bouteille, aspirateur… C'est rare de naviguer une journée sans voir un déchet flottant. Il faut privilégier les choses réutilisables plutôt qu'à usage unique. Il ne sera jamais trop tard pour changer les choses" continue Erwan.

Mais l'association ne partage pas que des faits dramatiques. Elle explique également les bonnes idées de fonctionnement pour l'environnement. Comme au Groenland ou au Danemark.

"On ne trouve pas de gadgets, mais uniquement des produits solides et fiables. Ils importent de bons produits durables. Et c'est une des bases du recyclage, que ce soit des produits plastiques ou non. S'ils ont une longue durée de vie, c'est une grosse différence. Pour l'eau, il existe de nombreux systèmes de régulation pour protéger l'eau potable, ne pas la salir, garder les ruisseaux propres. Au Vanuatu, dans les îles Salomon, ils ont arrêté l'utilisation des sacs plastiques. Ils tressent des paniers de feuilles dans lesquels ils emballent leurs produits. C'est plus de travail certes, mais je ne vois pas de solution plus durable. Ce sont les pays qui peuvent paraitre les plus pauvres qui s'activent pour sauver leur environnement" explique Erwan.

Macatea
Macatea

Éduquer les populations par le biais d'ateliers

Pour sensibiliser les populations, Maewan propose deux types d'ateliers, en fonction de l'âge des enfants. Pour les 8/13 ans, ils ont travaillé avec la Water Family et développé leurs propres documents pédagogiques.

"On les émerveille avec notre voyage, avec le sport extrême, les animaux rencontrés… À travers ces thématiques, on les sensibilise sur l'ensemble de l'équilibre de la planète. On intervient au gré des différentes escales du bateau, mais aussi en France dans les écoles locales puisque la base de l'association est en France, en Haute-Savoie" raconte Erwan.

En tout, depuis le début de l'expédition, ce sont 30 écoles et 1 000 enfants qui ont été sensibilisés par l'association.

Sensibilisation des enfants
Sensibilisation des enfants

Pour les adolescents, de 14 à 21 ans, l'association propose un accompagnement sur un projet professionnel, au travers des exemples de sportifs de passage sur le bateau.

"À travers des exemples de sportifs qui ont des titres remarquables – ils sont une centaine à nous avoir rejoints à bord – et notre tour du monde, on monte un projet pédagogique en leur montrant comment atteindre un résultat, une réussite. On décortique leur motivation, leurs envies. On a vu tellement de jeunes, d'endroits, que l'on arrive à retirer des particularités de chaque personne. On les accompagne ensuite vers un projet professionnel" continu Erwan.

Erwan et son équipe proposent également des accompagnements de territoire qui ont des projets d'écotourisme. Un projet à découvrir dans la vidéo Macatea, sur la chaine YouTube de l'association.

"Macatea est un bijou qui possède une histoire traumatisante. Exploitée pour son phosphate pendant 70 ans, la mine a été arrêtée du jour au lendemain. Les locaux se sont retrouvés seuls, isolés, sans électricité, sans transmission de savoir, sans plus aucune activité, avec un bateau de passage toutes les années ½. Ça a été un véritable traumatisme. La population avait une volonté de développement d'activité sportive outdoor. On les a accompagnés pour mettre en place des procédés de sécurité, de formation et développer ce projet d'écotourisme sportif sur l'île. On mène des projets de ce style en France et à l'étranger" explique Erwan.

Maewan en Polynésie
Maewan en Polynésie

Des besoins en financement

Pour apporter cette "petite pierre à l'édifice" et "accompagner la génération future", Maewan trouve ses financements par le biais du sponsoring, de mécénats et dons et de subventions publiques.

"L'association a été fondée il y a 2 ans. On se stabilise de mieux en mieux, mais on recherche toujours des financements. Avoir avoir vu notre planète dans cet état, je ne me donne pas le choix de ne pas travailler pour une cause comme celle-là. Aujourd'hui c'est notre vie avec Marion, la présidente de l'association. On se concentre à 100 % sur l'association, le bateau…" ajoute Erwan.

Après avoir remonté du cap Horn il y a un mois ½, Erwan et Marion sont actuellement au Brésil. Après une halte à Rio pour travailler dans une favela avec les jeunes, le bateau fera cap jusqu'à l'Amazone pour un reportage sur le climat et la forêt, à travers la cueillette de graine naturelle de cacao. Direction ensuite les Açores, où ils sont rejoints pour la 2e fois par les Lost in The Swell. Ainsi s'achèvera cette première boucle.

Maewan
Maewan

Fin de tour du monde en novembre 2021

Pour son retour le 13 novembre 2021 à l'Aber Wrac'h, Maewan organise une "Fête de l'océan" du 13 au 14 novembre. Seront réunis des bateaux d'expéditions, de course, des vieux gréements pour un grand débat sur "Qu'est-ce qu'un tour du monde sur les océans, la différence entre le faire en course ou en croisière".

"Cette fête marquera la fin d'un premier tour démarré en 2015. C'est un concept que l'on valide aujourd'hui. Nous avons déjà des idées d'autres boucles de tour du monde, tout en continuant de voyager pour les sports outdoor. Ça nous permet de découvrir la planète comme rarement et de partager cet apprentissage au plus grand nombre. Nous avons pas mal d'idées de développement" conclut Erwan.

Sensibilisation des enfants
Sensibilisation des enfants
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