15 000 échantillons récoltés par Tara dans le Pacifique pour l'analyse des coraux

Le corail prélevé par l'expédition Tara © Nöelie Pansiot

Tara, la goélette en alu qui réalise des missions scientifiques à travers le monde vient de réaliser la première moitié de son expédition dans le Pacifique. 50 000 km parcourus et 15 000 échantillons de coraux prélevés. L'occasion pour l'association de livrer un premier bilan.

La moitié du parcours réalisé et déjà 15 000 échantillons récupérés

La goélette Tara partait de Lorient le 28 mai 2016 pour une expédition de deux ans sur la santé des récifs coralliens dans le Pacifique. Le voilier en alu a désormais parcouru 50 000 km d'est en ouest, soit la moitié de son parcours, et visité 15 pays. Cette expédition Tara Pacific 2016-2018 lui a permis de parcourir l'Océan Pacifique de rejoindre les récifs coralliens les plus isolés du Sud Pacifique. L'équipe scientifique a déjà pu collecter près de 15 000 échantillons sur les 35 000 destinés à mieux comprendre la biodiversité corallienne face aux changements environnementaux.

Les 15 000 échantillons prélevés sur 17 sites doivent permettre de définir la diversité microbienne associée au corail. L'équipe scientifique a également pu tester une toute nouvelle technique de séquençage in situ de l'ADN pour permettre l'identification moléculaire des espèces immédiatement sur les sites de prélèvements. "Grâce au "MinIon", séquenceur de la taille d'une grosse clef USB, un séquençage à haut débit de l'ADN est réalisé à bord, ce qui est très utile pour identifier les espèces de manière quasi instantanée en cas de doute. L'analyse des données permet une classification des espèces collectées par comparaison à celles déjà connues", explique Quentin Carradec du Genoscope (CEA).

Les équipes à terre ont commencé à séquencer les génomes pour caractériser la diversité du microbiome, c'est-à-dire l'ensemble des micro-organismes associés au corail, aux poissons de récifs ou à l'eau environnante.

Établir une bibliothèque d'échantillons

Cette bibliothèque d'échantillons permettra d'établir une base de données inédite à destination des laboratoires internationaux réunis par la Fondation Tara Expédition. Ces derniers pourront ainsi comparer les récifs et comprendre pourquoi certains sons plus résistants que d'autres (écosystème corallien riche ? forte biodiversité ?).

Par ailleurs, une éventuelle corrélation pourrait être établie entre la diversité microbienne associée aux coraux et la diversité des espèces coralliennes elles-mêmes. La diversité génétique étudiée doit permettre de découvrir les génomes de tout un ensemble d'organismes cohabitant avec et autour du corail ainsi que leurs réponses aux stress liés notamment au réchauffement climatique.

Les principales observations

Cette première partie de navigation a donné l'occasion à l'équipage de Tara de se rendre compte du blanchissement massif coraux à Ducie Island — à l'ouest de l'Ile de Pâques — en novembre 2016 puis à Moorea — Polynésie Française — le mois suivant. La mission de Tara se concentre essentiellement sur les réponses biologiques du corail aux bouleversements environnementaux. Voici les observations qu'elle a pu en tirer :

  • En Polynésie, le blanchissement a atteint 30 à 50 % dans certaines îles des Tuamotu,
  • Sur certains sites, c'est près de 70 % de la couverture corallienne qui était affectée par le blanchissement comme aux îles Pitcairn,
  • Aux îles Samoa le blanchissement avait atteint 90 % et donné lieu à la mort des colonies coralliennes,
  • En Micronésie, aux îles Tuvalu et Kiribati, une partie des récifs étaient déjà morts avant l'arrivée de Tara 
  • Les récifs de Wallis et Futuna ont quant à eux été relativement préservés,
  • Au nord du Pacifique, dans des eaux pourtant plus tempérées, les récifs n'ont pas non plus échappé au blanchissement : il atteint 70 % à Okinawa, au Japon.

L'augmentation de la température de l'eau responsable du blanchissement

Dans certaines zones peu peuplées et polluées, comme la Polynésie, seule la hausse de température a pu induire une telle dégradation des coraux. "Plus l'augmentation de la température dépasse les normales attendues, et plus les durées d'exposition à ces fortes températures de l'eau sont longues et plus le blanchissement est fort", indique Serge Planes, chercheur au CNRS et directeur scientifique de la mission.

Dans ce cas de figure, cela entraine la rupture de la symbiose entre l'algue et l'animal, donc la mort du polype si le réchauffement perdure au-delà de trois semaines.

"On ne peut plus aujourd'hui parler d'épisodes ponctuels ou cycliques de hausse de températures, comme le phénomène climatique El Niño. Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un réchauffement global de l'océan auquel s'ajoutent des périodes estivales très chaudes, de moins en moins espacées d'année en année" continue Serge Planes. Pour Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Expéditions, c'est la preuve que "limiter le réchauffement à deux degrés comme acté dans l'Accord de Paris est bien loin d'être suffisant pour les écosystèmes marins."

Les récifs coralliens obligés de s'adapter

"Ce que nous serons en mesure de dire avec les données originales de Tara Pacific, c'est quels sont les facteurs qui favorisent ou non la résistance des espèces coralliennes", explique Denis Allemand, directeur du Centre Scientifique de Monaco et codirecteur scientifique de l'expédition.

Aujourd'hui, certaines espèces continuent d'abonder et trouvent donc des conditions idéales pour se développer. Alors que d'autres espèces n'arrivent pas à s'adapter. Dans les années à venir, les récifs coralliens risquent donc de profondément changer.

Le Triangle de Corail pour la 2e partie de l'expédition

La goélette Tara est désormais au cœur de la Grande Barrière de Corail et poursuivra son expédition en Nouvelle-Calédonie, aux îles Salomon, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Indonésie, aux Philippines, à Palau, en Chine, au Japon, à Hawaï. Tara Pacific s'achèvera alors avec un retour du bateau en octobre 2018 à Lorient.

crédit : Maeva Bardy
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