Aventures et mésaventures en Antarctique : après l'échouement, perte de confiance dans le bateau

Episode 8/8, après l'échouement, perte de confiance dans le bateau © Dominique Eustache

Après un violent échouement engendrant une voie d'eau, avec un circuit de gasoil défaillant, avec peu de gasoil propre à bord, Dominique commence à perdre confiance. Pour lui, sa sécurité et celle de l'équipage ne sont plus assurées. Il attend que le capitaine prenne des décisions…

Dominique continue son récit sur sa croisière en Antarctique. Mais l'aventure change après que le bateau ait violemment heurté un rocher (lire l'épisode 7). Une voie d'eau envahit le réservoir de gasoil polluant le carburant. Que faire ? Dominique nous raconte la difficile prise de décision sur la suite de l'expédition, après avoir gagné un mouillage coincé entre la terre et un iceberg.

Un bilan technique peu glorieux

À bord l'ambiance est très tendue et morose. Il nous reste 140 litres de gasoil non contaminés dans des bidons, soit 24h de moteur ou 150 milles au mieux. C'est insuffisant pour rallier la base argentine de Déception qui reste ouverte toute l'année. Nous sommes le 22 février 2019 et c'est la fin de la saison. Les bases estivales comme Videla ou Lockroy sont fermées ou en passe de fermer. La plupart des navires sur zone vont retraverser le Drake dans les jours qui viennent. Nous avons un trou important dans la quille, comme en atteste le flux d'eau de mer par l'évent du réservoir et le circuit de retour du moteur. Pour l'instant ces deux entrées d'eau sont endiguées par une pinoche et une pomme de terre. Le choc a été très violent et nous n'avons aucune idée des dommages structurels occasionnés. Le Drake, connu pour ses coups de vent et sa mer démontée, est certainement le dernier endroit au monde où il faudrait avoir à s'inquiéter de ce genre de choses !

Notre mouillage bien protégé, coincé entre la terre et un énorme iceberg
Notre mouillage bien protégé, coincé entre la terre et une falaise de glace.

Un tour de table de l'équipage

Une fois les manœuvres d'amarrage terminées, le capitaine convoque l'équipage. Chacun doit donner son sentiment sur la situation et préciser les décisions qui lui semblent opportunes. Privilège du capitaine, c'est à lui de s'exprimer en premier : "Je vous demande de ne rien dire sur ce qui vient de survenir, car je ne suis pas assuré dans cette partie du monde"… "Quel que soit l'état du bateau, je retraverse le Drake avec la première fenêtre météo qui se présente."  Au moins, c'est très clair. Se succèdent dans l'ordre : Sara, Carole, notre équipier, moi-même et la femme du capitaine. Sara, Carole et l'équipier sont unanimes, sans aucune concertation préalable. Ils tiennent tout d'abord à ce que l'on avertisse immédiatement de notre situation la flotte sur zone : d'une part pour signaler notre situation précaire, et d'autre part pour tenter d'obtenir du carburant supplémentaire nous permettant de rallier une des bases des alentours encore ouvertes. Ils précisent tous, à tour de rôle, qu'ils ne retraverseront pas le Drake avec le bateau à moins qu'un diagnostic précis des dégâts occasionnés soit établi. À l'opposé, la femme du capitaine, la dernière à s'exprimer, se range derrière son mari.

Pas d'accord pour poursuivre dans ces conditions

Pour ma part, ce dernier accident a raison de ma patience : je n'ai plus aucune confiance ni dans le bateau ni dans le capitaine. Sur le plan technique, je ne peux cesser de penser que pour un problème identifié à bord, il y en a au moins dix ("la loi des icebergs") que je n'ai pas repérés. Quelle autre partie critique ou équipement va nous lâcher, par faute d'entretien ou simple négligence ? Je ne me vois pas affronter un gros coup de chien dans le Drake à bord de ce bateau dans cet état. À mon tour, je résume ma pensée en quelques mots : "Ce bateau ne devrait pas être dans cette partie du monde. Si j'avais connu son état avant de partir, nous n'aurions jamais embarqué Carole et moi". ...

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Erich Delnatte
Erich Delnatte
A bon ? La rédaction a pris contact avec un autre équipier !? Très bien, mais... un équipier qui a égoïstement abandonné le bateau avec Dominique et Carole ou équipier qui est resté à bord, solidaire du "capitaine et son épouse" pour ne pas les laisser risquer de mettre leur vie en danger en ramenant en équipage réduit une goélette de 50 pieds ? Ce serait aussi intéressant de développer le coté valeur humaine, solidarité d'un équipage soudé devant l'adversité versus le coté consommateur ...
Daniel Enjolet
Daniel Enjolet
bonjour, Je comprends que l'incertitude incite à la prudence. C'est légitime. Il y avait deux problèmes: le moteur et sa réserve de gasoïl et la quille. Hormis l'absence surprenante de vérifications, que la quille soit remplie de gasoil ou d'eau est-ce une grande différence?
Jean-philippe Laurentin
Jean-philippe Laurentin
Personnellement je comprends tout à fait la décision des équipiers de débarquer. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, vu les nombreux manquements constatés en matière de préparation et d'entretien du bateau, qu'ils ont pris la décision qui s'imposait. En cas d'accident, le rapport d'enquête aurait vraisemblablement été tout aussi accablant que pour l'accident du PARADISE : sauf que les équipiers n'avaient pas osé débarquer avec le résultat que l'on sait. Il n'y a pas de place pour l'amateurisme dans ces régions.
Philippe Boennec
Philippe Boennec
Ces quatre dernières années, j’ai navigué 4 semaines à bord de la C donc au total quatre mois. Nous avons effectué des parcours extraordinaires au pied des glaciers du Beagle et contourné trois fois le Cap Horn dans des conditions météos parfois musclées. L’an dernier après le retour de la C de l’Antarctique, nous avons pris la direction de Puerto Natales en remontant les canaux de Patagonie et parcouru le canal de Magellan. Navigation magnifique dans des régions isolées mais humides. La C était dans l’état de son retour du grand Sud sans réparation particulière. Nous n’avons eu aucun problème majeur en dehors de petites réparations inhérentes à cette dame C d’un âge certain malgré des vents parfois soutenus et de face. J’ai connu Carole et Dominique, pendant deux années au Micalvi, Puerto William Chili, nous avons partagé de nombreux apéritifs et repas souvent à bord de la C car le carré est chaud, spacieux et confortable. Nous avons passé de très bons moments ensemble. J’ai trouvé Carole et Dominique agréables, conviviaux avec une expérience maritime réel en couple. Dominique est monté de nombreuses fois à bord de la C pendant trois ans. En marin expérimenté, il a eu tout loisir de checker la C que ce soient les appareils de navigation, le compartiment technique moteur, les engins de sécurité et autres. Lorsque l’on programme un périple en Antarctique, c’est un préalable indispensable. J’aurais moi aussi monté à mon bord Carole et Dominique. Quelle est mon analyse de cette navigation désastreuse. Avec mon passé de médecin de campagne, d’élu local (21 années comme Maire), d’élu national (Député), j’ai géré de nombreuses situations conflictuelles et tendues. Carole et Dominique sont devenus anxieux voir angoissés sur un bateau d’un certain âge très différent du leur. La Cardinale est très bien équipée mais c’est une Dame d’un certain âge. Les repères sont différents que ceux de nos bateaux contemporains. J’aime bien ce côté un peu vintage. Il faut s’y habituer. En revenant de cette malheureuse aventure dans des lieux magnifiques mais hostiles, Dominique et Carole ont eu besoin d’expurger leur abandon du navire. C’est une auto thérapie somme toute assez classique avec un transfert de responsabilité sur la préparation et l’état de la C et sur la compétence de son Capitaine. Mais la publication des 8 articles a rendu cette malheureuse affaire publique. Le rédacteur en chef de la revue, c’est pris de compassion pour ses cousins, qui ont de l’expérience. Ceci est tout à fait compréhensible. De mon expérience, la C est une belle dame, d’un âge mur. Elle est très bien équipée. Son Capitaine B est d’une grande compétence en navigation avec la participation à de nombreuses courses transocéaniques souvent en solitaire. C’est à ces occasions que je l’ai connu. De plus, c’est un homme d’entretien extraordinaire. C’était son métier. Il est généreux et sympathique. La C, un bateau qui part des Antilles, se refait une santé à Nantes. Puis elle repart à Ushuaia reste 5 années à naviguer dans le Beagle. Elle franchit de multiples fois le Cap Horn et atteint par deux fois l’Antarctique. Ensuite elle repart vers Chiloé et traverse le Pacifique jusqu’à Tahiti. Avec un tel périple, la C ne peut pas être une poubelle dégoulinante de rouille. B son Capitaine possède une grande expérience. De plus, il est chaleureux, convivial, plein de mansuétude et d’attention pour son équipage. Carole et Dominique ont payé beaucoup, beaucoup moins cher que s’ils avaient embarqué sur le voilier d’un skipper professionnel. J, l’épouse du Capitaine a aussi une grande expérience et accueille très chaleureusement les équipages. Que conclure. Ne condamnons personne et retrouvons un peu de sérénité. Des croisières ou les choses ne se passent pas bien, cela est déjà arrivé. L’association « Objectif Grand Sud » est une très belle aventure, généreuse, altruiste que j’aime. J’espère que ce sont des maux alors compréhensibles et excusables. Si ce sont des mots qui jettent l’opprobre, ils sont sordides et inexcusables. Philippe Boënnec
Patrick Jeandidier
Patrick Jeandidier
Merci Philippe d’avoir si bien dit ce que je ressens depuis cette triste expérience. Patrick Qui connaît l’ensemble des protagonistes et qui bosse là-bas.
Bernard Votat
Bernard Votat
Quant a moi, il ne fait aucun doute dans mon esprit que JP Laurentin ferait mieux de la boucler et ne pas dire de betise. Je l'imagine donner des conseils, pompeux, ignorant des problèmes de vrais marins comme A. Dalhenne ou B. De Ravignan. Ce genre de type me fait gerber, bien plus qu'un bon mal de mer. B. Votat
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