Le Tarzan, dernier pêcheur d'éponge à la voile, en route vers une longue restauration

© Association Les amis du Tarzan

Vieux gréement traditionnel méditerranéen et dernier à avoir pêché des éponges à la voile, le Tarzan, gagne Narbonne pour être restauré dans son état d'origine. L'association des amis du Tarzan nous en dit plus sur son histoire et le programme des travaux à venir.

Un périple méditerranéen

L'aventure du bateau Tarzan débute en 1950 à Sfax, en Tunisie, sur le chantier naval de Manno. Cette goélette motorisée construite pour les frères Marinello, d'origine sicilienne, possède alors une coque en chêne et un gréement aurique. Mesurant 33 mètres de long hors tout, pour seulement 21 mètres de coque et 12 mètres supplémentaires pour les espars, sur 5,20 mètres de large et entre 38 et 40 tonnes de déplacement, elle est initialement conçue pour la pêche des éponges à la voile.

Le Tarzan utilisé en tant que gangavier
Le Tarzan utilisé en tant que gangavier

Inspiré des goélettes napolitaines, le Tarzan est le dernier représentant des "gangaviers", des bateaux méditerranéens traditionnels qui utilisaient la gangave, précurseur du chalut, pour pêcher l'éponge depuis le milieu du 18e siècle.

Le Tarzan au port de Sfax en Tunisie, le 18 mars 1950
Le Tarzan au port de Sfax en Tunisie, le 18 mars 1950

Lorsque le pays obtient son indépendance en juillet 1957, les pêcheurs du Tarzan, craignant la nationalisation de la flotte, prennent la mer de nuit en compagnie d'autres bateaux. Après une traversée de trois semaines mouvementée en Méditerranée, ils atteignent le port de Sète dans l'Hérault, où le Tarzan reste amarré pendant deux ans. De 1960 à 1980, le Tarzan, transformé en chalutier, participe aux campagnes de pêche au poisson à Sète.

Désarmé en 1980, il change de propriétaire, passant entre les mains d'un plaisancier avant d'être finalement racheté par William Chérino. En octobre 2009, il est classé Monument Historique.

©  William Chérino
© William Chérino

Le défi de restaurer le Tarzan

En décembre 2012, le bateau est acheminé à Locmariaquer dans le Morbihan, s'inscrivant ainsi dans un projet de restauration avec le Fonds de Dotation des bateaux du Patrimoine. Malheureusement, le président, révélé être un escroc, détourne les fonds dédiés à la restauration, laissant le bateau à son triste sort.

© Association Les amis du Tarzan
© Association Les amis du Tarzan

En 2014, l'association "Les Amis du Tarzan" prend en charge la mission de sauver ce bateau de pêche à l'éponge, témoin de l'exode des Tunisois. Dès l'acquisition du Tarzan par l'association, les bénévoles se mobilisent pour étudier les modalités de sa remise en état. Pour financer cette entreprise, une souscription est lancée en 2015 en collaboration avec la Fondation du patrimoine. Les fonds ainsi récoltés permettent de transporter le bateau abandonné jusqu'au chantier naval du Guip à Brest, dans le Finistère. Le Tarzan est présenté lors des Fêtes de Brest de 2016 dans l'espoir de trouver les financements nécessaires. Malheureusement, le projet tarde à se concrétiser et le bateau reste sur le terre-plein.

© Association Les amis du Tarzan
© Association Les amis du Tarzan

Un convoyage délicat vers Narbonne

Depuis le lundi 27 novembre 2023, le Tarzan, préalablement hors d'eau au port de Brest, a été délicatement chargé sur une remorque pour un transport sous haute surveillance, du fait de son classement au titre de Monument Historique. La manœuvre, particulièrement délicate en raison de la vétusté du navire, a duré près de 5 heures et a malheureusement entraîné un cintrage de la quille. Malgré cet incident, le bateau a entamé un périple de 800 km le conduisant jusqu'à sa destination finale à Narbonne dans l'Aude, où il sera restauré dans son état d'origine. Son arrivée est programmée pour le mardi 5 décembre 2023.

© Yann Mauffret
© Yann Mauffret

Les mots de William Chérino

Lorsque nous l'interrogeons sur la source de son implication sans faille pour la restauration du Tarzan depuis son acquisition, William Chérino explique qu'elle découle simplement de sa curiosité d'aller sur la mer et d'embarquer des compagnons de voyage pour partager et enrichir leurs connaissances mutuelles. Cette impulsion tire ses origines d'une trajectoire entamée en 1990 avec son précédent navire, Soliman, rebaptisé aujourd'hui Santo Sospir et toujours actif au sein de l'association S.O.S Grand Bleu, basée à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Le Santo Sospir © S.O.S Grand Bleu
Le Santo Sospir © S.O.S Grand Bleu

La persistance de William Chérino dans la réalisation de projets antérieurs témoigne de son dévouement envers la sauvegarde du patrimoine maritime méditerranéen. C'est ce même engagement indéfectible qui s'est étendu au Tarzan. Son transfert vers Narbonne résonne ainsi comme une dernière chance pour ce bateau qui patientait dans l'ombre à Brest depuis 7 ans.

Programme des travaux

L'association ''Les Amis du Tarzan'' reconnaît l'ampleur des travaux nécessaires pour restaurer ce bateau. La rénovation du Tarzan est envisagée dans le cadre d'une collaboration avec un chantier d'insertion, dirigé par Yann Pajot, charpentier de marine agréé DRAC Occitanie, au sein du Conservatoire Maritime et Fluvial des Pays du Narbonnais.

La restauration devra préserver l'authenticité des matériaux et des techniques d'origine, tout en respectant les normes de navigation en N.U.C et les critères liés à son classement en tant que Monument Historique. Ce processus de remise en état du Tarzan se déroulera en six phases et prévoit de s'étendre jusqu'en 2028 :

  • 2023 : 1ère tranche de travaux. Rapatriement à Narbonne pour sa restauration au CMFPN dans le cadre d'un programme d'insertion.

  • 2024 : 2e tranche de travaux de structure axiale et membrage, réalisés sous la supervision de Yann Pajot, expert maritime pour la Drac Occitanie et responsable du Chantier d'Insertion.

  • 2025 : 3e tranche de travaux incluant le bordage et le remplacement des serres d'emplanture.

  • 2026 : 4e tranche de travaux de barrotage, pont, pavois, peinture et aménagement (1ère partie).

  • 2027 : 5e tranche de travaux d'aménagement (2e partie) et de la mâture (1ère partie).

  • 2028 : 6e tranche de travaux de la mâture (2e partie) et mise à l'eau en Occitanie.

Un avenir prometteur

Une fois restauré, le Tarzan offrira une immersion dans la voile traditionnelle et une ouverture vers une meilleure connaissance du milieu marin. Sur demande express de la DRAC, il sera tout équipé pour la navigation et la démonstration de pêche des éponges à la voile. De plus, il aura la possibilité de rejoindre des rassemblements et des régates de voiliers traditionnels. Il est déjà sollicité pour participer à l'aventure périodique des Tall Ships Experience, des événements sur de grands voiliers-écoles qui accueillent le grand public et offrent une formation aux jeunes dans les métiers de la mer.

Vous pouvez contribuez à ce projet de restauration en effectuant un don sur le site www.fondation-patrimoine.org

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