Interview / Que vit Morgane Ursault Poupon en course ? Sensations et peur...

Née à Vannes en 1986, elle grandit à La Trinité-sur-Mer. Elle commence à naviguer dès l'âge de quatre ans avec un navigateur d'exception, Philippe Poupon, son père ! Elle sillonne ensuite les océans du globe, et se sensibilise à leur avenir. À bord de son Class 40, elle est arrivée 20e à la Transat Jacques Vabre en novembre 2019 et 2e à la Heineken Regatta à Saint-Martin dans les Antilles, début mars 2020. Souvenirs sensoriels…

La vue

Ce qui me vient tout de suite en tête, c'est un moment assez fou que j'ai vécu en novembre 2018. C'est le départ de la Route du Rhum, ma toute première course de ce type… Avec, à mon compteur, seulement quatre jours de navigation compétitive en solitaire avant ce départ. Une vraie aventure donc ! Pour cette 11e édition, les conditions au départ ont été très faciles : mer calme et vent régulier d'une dizaine de nœuds. Et tout autour de moi, plus de 120 bateaux qui filent, leurs gennakers déroulés. Même si les voiliers de course sont d'ordinaire assez colorés, je me souviens surtout du gris de la mer et de tonalités assez douces en fait, qui allaient bien avec l'atmosphère générale, que j'ai trouvé sereine. Par rapport aux départs à touche-touche de certaines régates que j'avais déjà courues, en tous les cas. Là, les bateaux assez loin les uns des autres, on se croisait à 20 ou 30 mètres de distance. J'étais zen. Quel contraste avec les jours précédents qui avaient été très stressants ! Bref, je contemplais… Également tout le chemin parcouru avec l'équipe pour en arriver précisément à cet instant.

Morgane Ursault Poupon
Morgane Ursault Poupon

Le toucher

Je ne quitte pas la Route du Rhum, mais j'avance un peu ! Je navigue maintenant dans le Golfe de Gascogne. Les conditions ont radicalement changé : 40 nœuds de vent et une mer démontée comme rarement je l'ai vue. Les manœuvres sont violentes. Et j'ai mal, très mal aux mains. À tel point que j'ai même du mal à zipper mon ciré. Ça, c'est pour le souvenir douloureux. J'en ai un autre beaucoup plus agréable. J'ai fait du charter en Antarctique et c'est au cours d'une croisière que j'ai effleuré… Commençons par le début : pas un souffle de vent, une mer comme un miroir, une baie superbe… et des baleines à bosses et avenantes. Tant qu'elles viennent à nous. Et moi, je me couche sur le bord du pont, presque en dehors d'ailleurs, en allongeant mon bras le plus possible vers la mer, parce que, là, nage, juste à côté, l'une d'entre elles. Et il me semble qu'elle tend sa nageoire vers moi. De son œil, d'un impressionnant double décimètre de large, elle me regarde. Et il me semble qu'elle attend un contact… tout comme moi ! Je me suis sentie transpercée. Sans que je parvienne à la toucher, j'ai ressenti pourtant un truc hyper puissant. De le joie, intense, très certainement d'avoir pu vivre cette interaction avec ce cétacé de 15 mètres de long !

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...