Fiche métier / Les Marinettes : le coaching plaisance au féminin pour une plus grande mixité

© Mathide Pilon

Julie Mira fait du coaching pour aider les femmes à trouver leur place à bord d'un voilier. Un coaching qui s'adresse principalement aux couples qui désirent partir en grand voyage. Une formation pour tenter d'adapter le monde nautique à la mixité.

Le coach plaisance est un véritable professionnel sélectionné et labélisé par la Fédération Française de Voile, à la fois expert de la navigation et formateur à l'écoute des plaisanciers. À travers des formations souvent sur-mesure, leur rôle et but est de transmettre aux plaisanciers les bonnes attitudes et aptitudes pour naviguer en autonomie et toute sécurité.

Devenir coach nécessite d'abord d'être titulaire d'un diplôme d'État permettant l'enseignement de la voile (BEES, BPJEPS, DE, DES), et aussi de justifier d'une sérieuse expérience en navigation sur voilier habitable. Comme une grande majorité de labels, celui-ci doit renouveler tous les ans.

La spécialité de Julie : la préparation aux grands voyages et l'accompagnement des femmes sur leur apprentissage à bord afin de les aider à trouver leur place et préserver l'harmonie du couple.

Quelle formation, quel diplôme, quelles compétences pour tenir le poste ?

Naviguer, aimer transmettre et se former

"Je ne viens pas d'une famille de marin, vers 6/7 ans j'ai un coup de foudre avec les bateaux et commence à naviguer sur Optimist. À l'âge de 9 ans, je suis rentrée en école de sport pour suivre un cursus sportif classique et naviguer sur Laser. À partir de ce moment, je n'ai plus quitté le bateau. Pendant les vacances d'été, je travaillais à la base nautique comme monitrice de voile, principalement à Dunkerque, ma ville d'origine, où l'école de voile était ma seconde maison, ce qui m'a permis d'avoir un premier rapport avec la pédagogie et l'enseignement."

À la fois encadrant des enfants et des adultes, alors encore adolescente, Julie se rappelle de souvenirs assez drôles en stage perfectionnement adulte, par le machisme de certains. En 2009 alors âgée de 19 ans, elle passe le BPJEPS [Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport] voile multisupport. Surtout orientée voile légère, ce brevet possède une thématique voilier habitable qui offre à Julie d'une meilleure connaissance de ce type de navigation, pour s'éloigner des côtes et l'inciter à naviguer en haute mer.

Julie continue à enseigner la voile en école de voile avec une tenace envie de large : "Quand on aime la mer, on a envie de traverser des océans", insiste Julie.

C'est grâce à une relation qui cherchait un équipier, que Julie embarque en 2011 pour une transatlantique sur un trimaran. "En quelques heures, j'ai préparé mon sac, suis montée dans un train et partie, sans connaitre le bateau ni l'équipage et en ayant fait peu de navigation hauturière.

Première transat : deuxième coup de foudre, je ne voulais pas arriver, le bateau était exactement l'endroit où je voulais être.

Assez vite le skipper responsable du convoyage s'est rendu compte que j'étais très à l'aise sur l'eau et avec les manœuvres, j'ai donc très vite manœuvré seule, appris à me confronter à l'autonomie sur un bateau de 45 pieds, et perfectionné ma technique. Arrivée aux Caraïbes, sous le soleil, je profite de rester quelques jours sur place avec l'équipage."

Pendant ces quelques jours, le skipper est sollicité pour un nouveau convoyage au départ de La Rochelle et propose à Julie de faire partie de l'équipage. C'est à partir de ce moment que Julie n'a plus jamais débarqué pour ainsi dire :

"Je suis rentrée dans la navigation par la voie la plus dure à mon sens, le convoyage de bateaux de plaisance est un métier assez ingrat et dur. C'est ce qui m'a permis d'avoir ma légitimité dans ce métier, j'en ai bouffé pendant 3 ans à naviguer et être rarement chez moi à Dunkerque. Cette expérience de convoyage m'a fait identifier que skipper était un métier, de découvrir de nombreux pays et même la navigation dans les glaces."

En 2015, pour diriger les convoyages et être le maitre à bord, Julie 24 ans passe le brevet de Capitaine 200, le valide assez rapidement et en profite pour naviguer en régate sur des voiliers classiques pendant 3 ans, un véritable plaisir pour Julie de participer à ces épreuves sportives sur les bateaux magiques malgré l'intensité de l'effort physique pour ensuite repartir en expédition sur différents bateaux dans le Grand Nord.

"C'est à force de naviguer que je me suis dit : comment se fait-il qu'il ait aussi peu de femmes à bord. J'ai pu constater grâce à mes voyages que les approches de la navigation au féminin et des rôles à bord étaient différentes selon les pays. J'ai voulu faire la synthèse de mes 10 ans d'expérience pour apporter une vision différente et proposer une formation tournée vers l'humain.

J'ai croisé beaucoup de couples qui ne s'entendaient pas ou ne se comprenaient pas à bord, certains ont revendu le bateau pour sauver leur couple plutôt que continuer à naviguer", constate Julie.

"Je suis donc devenue coach il y a 2 ans après avoir obtenu le label 'Coach Plaisance' tout en continuant de naviguer en hiver dans le Grand Nord et cette année je me concentre uniquement sur l'activité de coach pour répondre à la demande."

Outre les compétences techniques et pédagogiques, "le métier demande une importante adaptabilité avec pour mon cas la spécificité d'être itinérante au plan national ce qui offre la possibilité d'intervenir dans des endroits, des personnes et un bateau que je ne connais pas", précise Julie.

Quel quotidien, quelles sont les responsabilités de cette profession ?

Apprendre à partager la navigation en toute sécurité

"La formule de coaching que je propose dans le cadre de mon entreprise 'Les Marinettes' s'étale sur 4 jours, d'abord 3 jours avec madame pour enseigner les compétences de base, prendre confiance en elle et être autonome sur les manœuvres, puis le dernier jour j'aborde avec le couple la manière de communiquer en navigation ou en manœuvre et surtout se faire confiance. Le plus souvent, je coache des couples qui ont l'habitude d'une navigation côtière à deux, monsieur manœuvre et madame suit comme elle peut, alors j'inverse les rôles. Parfois, je dois faire face à de vrais traumatismes de navigation."

La responsabilité de Julie est de s'assurer que madame ait sa place sur le bateau et soit en mesure de prendre la responsabilité des manœuvres du bateau avec un minimum de stress pour surtout prendre du plaisir. Outre la réussite d'un bon coaching, étant capitaine, Julie est bien évidemment responsable de la sécurité des personnes, du bon état du bateau, des conditions de navigation, de la météo…

Quelles sont les évolutions possibles de ce métier ?

Adapter le monde nautique à la mixité

"Au-delà d'un métier, ce sont des convictions personnelles, la route est donc assez longue, par exemple en créant une communauté de femmes navigantes, mettant en place des actions plus précises pour faire évoluer les mentalités et faire en sorte qu'il y ait plus de mixité."

Pour permettre aux femmes de trouver leur place à bord d'un bateau ou dans un projet commun avec leur compagnon, leurs amis ou en famille, Julie milite pour un monde nautique adapté à la mixité.

Reportage
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